Au Pont de Brooklyn by Hart Crane Translated in French by Jean Migrenne |
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Combien d'aubes, glacé des houles de sa nuit, Le goéland va virer sur l'aile, piquer, Tournoyer dans son vacarme blanc, ériger Sur les flots de la baie captifs la Liberté Puis, courbe idéale, se perdre à nos regards Tel un vaisseau fantôme croisant sur les chiffres Qu'un comptable bientôt classera aux sommiers; Du haut des ascenseurs tombe notre journée... Je pense aux cinémas, ces fantasmagories Où, jour après jour, se précipitent des foules Fascinées par quelque mystère fulgurant, A d'autres yeux annoncé sur le même écran; Et Toi, qui d'un bond argenté franchit le port, Elan qu'imite le soleil, ton saut pourtant A jamais figea un reste de mouvement, Implicite contrainte de ta liberté! Métro, cellule ou galetas lâchent un fou Vers tes parapets où il vacille un instant Et, en chemise-voile dans le vent aigu, Plonge, bouffon pour la caravane ébahie. De poutrelle en rue sur Wall le ciel de midi Fond en acétylène. Flèches aux nuages, Les grues valsent tout l'après-midi...L'Atlantique Nord est apaisé par ton souffle haubanné... Obscur autant que pour les Juifs leur paradis Est ton guerdon...Accolade que tu octroies D'un anonymat que le temps ne peut lever: Vibrantes rémissions par toi accordées. O harpe et autel, du creuset de la fureur, (Quel labeur banal tendrait tes cordes qui chantent!) Formidable seuil de promesse prophétique, Prière du paria et sanglot de l'amant, De nouveau les feux qui glissent sur ta parole Une et vive égrènent l'immaculé soupir Des étoilesen concentré d'éternité: Et nous t'avons vu porter la nuit dans tes bras. Dans ton oimbre au pied des piles j'ai attendu; Seule l'obscurité te fait une ombre claire. La cité ayant déballé ses incendies, Voici que la neige noie une année de fer... O Toi qui jamais ne dors, enjambant le fleuve, La mer, les rêves que la prairie monte aux cieux, Vers nous, très humbles, un jour penche-toi, descends, Et que ta courbure confère un mythe à Dieu!
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